Les forages d’eau potable de l’Aff :Un impact mal mesuré
- SOS Brocéliande
- 15 févr. 2012
- 5 min de lecture
Des forages réalisés en 2007 dans la vallée de l’AFF vont prochainement être mis en service par le SIAEP pour alimenter le canton de Guer en remplacement de la station de la fosse noire. A ce sujet, nous avons un certain nombre d’observations à vous faire parvenir.
1. Tout d’abord sur la forme :
L’enquête d’utilité publique arrive beaucoup trop tard : Les forages ont été mis en place en 2008 et les travaux de raccordement sont actuellement presque terminés. A quoi sert alors de demander maintenant son avis au citoyen ? Devant les sommes déjà engagées, il aura bien peu de poids.
D’autre part, nous déplorons le manque d’information tout au long du projet (soit depuis 2007). Les habitants de Beignon, les plus concernés, n’ont pas été prévenus des incidences probables sur les puits et étangs ainsi que des nuisances pendant les travaux. Un article de Ouest-France du 22 janvier 2011, intitulé « L’histoire de l’eau au pays de Guer : pourquoi ça va changer », décrit une situation générale.
Une réunion publique organisée dans un souci de transparence par la nouvelle municipalité en mars dernier n’a pas pu fournir toutes les informations car elle n’avait pas l’aval des SIAEP de VANNES et de Guer. Une concertation préalable aurait pourtant permis de résoudre certains problèmes en amont, par exemple : la signalisation de l’ancienne décharge située juste 30 m au dessus du forage FE7.
Les différents acteurs intervenants sur l’AFF n’ont pas été contactés : Fédération de Pêche (35-56), GBO, ONEMA, SOS Brocéliande,… Leur avis préalable aurait sûrement été précieux pour mettre en évidence les dangers d’assèchement en période estivale d’une rivière classée.
2. Le fond du dossier :
a) La décharge sauvage
Nous avons constaté une erreur dans l’étude :
Aux paragraphes IV.2.6 p 36 et IV.4.4 p 46, une ancienne décharge sauvage, qui a été utilisée pendant une trentaine d’années jusqu’au début des années 2000, se situe entre 25 et 30m au dessus du forage « FE7 » (le plus productif), n’a pas été mentionnée. C’est une source de pollution potentielle, car des appareils ménagers et des déchets de travaux y ont été déposés.
b) L’assèchement de la rivière de l’Aff
Comme nous l’avons déjà signalé (voir l’article des infos «Les inquiétudes de SOS Brocéliande » du mercredi 19 octobre 2011), l’arrêt de deux des pompes dû à un gros orage survenu dans la nuit du 22 au 23 août nous a mis brutalement devant les conséquences désastreuses que pourraient avoir les forages sur la rivière durant l’été.
Au moment où la notion de continuité écologique devient le cheval de bataille du ministère de l’environnement (voir Grenelle 2), les forages risquent de créer une rupture de la continuité écologique durant la période estivale, ce qui est en contradiction avec les objectifs du Grenelle.
L’étude du dossier d’enquête publique ne nous a pas rassuré, loin de là ! Parmi la quantité d’eau prélevée, le SIAEP prévoit une production de 800 000 à 900 000m3 par an. Or l’assèchement de l’Aff a été constaté après un prélèvement d’environ 145 000m3 (soit 5 à 6 fois moins).
Calcul : action des pompes réglées à 30m3/heure pendant 67 jours du 17 juin au 22 août.
30m3 X 3 pompes X 24h X 673 jours= 144 720 m3
De plus, les effets sur la rivière étant masqués par le rejet des pompes, ils ont pu commencer beaucoup plus tôt sans que l’on puisse s’en apercevoir. Cela montre par ailleurs que le lit de l’Aff n’est pas étanche et qu’il est bien en connexion avec la nappe siphonnée. Si tel n’avait pas été le cas, l’arrêt des pompes aurait entrainé l’arrêt du courant d’eau et non pas l’assèchement totale de la rivière sur plusieurs kilomètres. Donc une partie de l’eau pompée retourne dans la nappe par réabsorption dans le lit de la rivière. Ce système de vase communiquant sera annulé dès la mise en route de la station de la lande. L’assèchement sera plus précoce et beaucoup plus sévère.
Nous contestons les conclusions des calculs destinés à démontrer l’absence de liaison entre les débits souterrains et les débits initiaux de l’Aff au pont du secret. Le débit ne peut pas être négatif.
Donc si on apporte 130m3/h en amont on doit retrouver 130m3/h+x en aval (x est le débit normal de la rivière au pont du secret) soit de 130 à 155m3/h. Or ce n’est pas le cas puisqu’on retrouve un débit entre 115 à 125 m3.Il doit donc bien y avoir un phénomène de ré-infiltration des eaux rejetées à partir de l’Aff. Nous ne comprenons pas, par ailleurs, que l’artésianisme du forage FE7, évalué à 10m3/h page 19 passe a 15-20 m3/h à la page 44 sans aucune explications.
Nous pensons que les forages FE4 et FE7 sont trop proches l’un de l’autre : Leurs cônes de rabattement se rejoignent sous l’Aff (p.43). L’étude constate une « perturbation » mais la décrit comme « limitée ». Permettez nous d’être sceptique ! Les modélisations théoriques sont généralement démenties par les faits. Ceci d’autant plus que la communication entre la nappe d’accompagnement de l’Aff et la nappe profonde est plus que probable.
L’étude (p.43) nous indique qu’en période d’étiage, le débit des pompages est largement supérieur au débit de l’Aff. P.45 elle nous dit que les assèchements possibles des systèmes racinaires des arbres seront compensés par une nappe perchée en fond de vallée (note : une nappe perchée n’est pas, par définition, une nappe de fond de vallée) en association avec les alluvions de la rivière. Or en été les alluvions de l’Aff seront à sec du fait du pompage. Quant à la nappe (p.34 et p.45) elle est décrite comme :
- Persistante seulement à l’automne et en hiver (donc pas au printemps et en été)
- Peu productive du fait de sa composition et de sa faible épaisseur
- Captée par de nombreux puits et quelques captages AEP
Comment la « nappe perchée de fond de vallée » peut-elle alors assurer le maintien de la ressource en eau pour les végétaux (Arbres compris). Les effets sur l’écosystème sont là encore largement sous-estimés !
En conséquence nous sommes persuadés que l’assèchement constaté cet été sera désormais permanant en période d’étiage entrainant des bouleversements écologiques et touristiques importants. Ceci d’autant plus que l’on va vers une période de réchauffement climatique scientifiquement avéré.
Incidences écologiques : La vallée de l’Aff est en ZNIEFF avec de nombreuses espèces à forte valeur patrimoniale. Au niveau piscicole, c’est une des dernières rivières à truite de l’Est de la Bretagne avec des espèces protégés comme le chabot, la lamproie (observation personnelle), l’anguille,… Au niveau faunistique : loutre, couleuvre à collier, de nombreux amphibiens (tous protégés). Au niveau botanique : l’Osmonde royale (protégée en Ille et Vilaine), Mousse Hyocomium armoricum (espèce bioindicatrice assez rare), Carex nitida, Polygonatum odoratum (espèces rares).
Incidences touristiques : La vallée de l’Aff, frontière Morbihannaise de la forêt de Brocéliande, est connue et reconnue. Elle bénéficie d’un tourisme vert discret mais régulier, les personnes qui la fréquentent sont des amateurs de nature. Certes le GR 37 et les autres circuits ne sont pas menacés dans leur parcours, mais ils auront perdu tout leur charme. La menace du Barrage en 1993 avait suscité une très grande émotion. L’association SOS Brocéliande créée en réaction avait réuni plusieurs centaines d’adhérents et recueilli plus de 10 000 signatures. Des journaux nationaux et européens (TV, radio et écrite) s’en étaient fait l’écho. Si une nouvelle atteinte à la vallée était constatée, ce qui est probable si le projet n’évolue pas, les réactions pourraient être vives.
3. Conclusion
SOS Brocéliande ne s’oppose pas à l’implantation des forages, d’autant plus que leur impact paysager est discret. Cependant elle refuse les conséquences d’une exploitation irraisonnée des captages qui entrainerait un assèchement de l’Aff et de sa vallée sur plusieurs km.
Nous demandons donc :
- qu’une réelle étude d’impact soit menée afin de mesurer sérieusement les conséquences écologiques et touristiques des pompages.
- Que les résultats de cette étude doivent servir de base au réglage du débit des pompes afin de préserver la continuité écologique de la vallée, conformément aux recommandations du Grenelle de l’Environnement.
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